Gestion couleur : Espaces de couleurs, Gamut.

 

Philippe LASSERRE janvier 2019, maj mars 2024.

On a eu depuis toujours le besoin de décrire « un ensemble de couleurs » avec son espace numérique, pour cela on a défini les espaces de couleurs ou espace colorimétrique. Un logiciel pourra travailler dans un espace colorimétrique bien précis, par exemple.

Nous verrons :

  • La référence des espaces de couleurs : l’espace Lab.
  • Les différents espaces génériques sRGB, Adobe RGB, Prophoto RGB.
  • Les autres espaces colorimétriques en RGB, CMJN.
  • Le Gamut des différents appareils.
  • Comment fonctionne Lightroom et Photoshop en terme d’espace de couleurs.

Espace Lab.

Il est nécessaire d’avoir une référence absolue qui code sans ambigüité les couleurs.

L’espace CIE L*a*b 1976 est la référence étalon admise dans la gestion des couleurs.

Cet espace qui a été décrit par un consortium international (CIE) en 1976; englobe toute la lumière visible par un être humain avec un œil « standard ». Il permet de définir une couleur de manière absolue.

On représente cet espace L*a*b sur un diagramme de chromaticité.

Il y a des représentations graphiques plus précises dans un espace à 3 dimensions mais l’esprit humain ayant des difficultés à raisonner dans un espace à trois dimensions, on utilise plutôt une représentation à 2 dimensions (en x et y) sans tenir compte de la luminance.

L’ensemble des couleurs L*a*b a une forme de fer à cheval :

lab

Pour chaque code L*a*b correspond une couleur absolue, précise, une longueur d’onde précise (chiffres en bleu au pourtour du fer à cheval). Si on indique une couleur précise avec une longueur d’onde précise elle aura un unique code L*a*b. C’est le mètre étalon de la couleur.

Bien sûr, aucun appareil ne reproduit l’espace L*a*b car il est très grand. Il est là pour servir de référence.

Dans cet espace les couleurs sont codées avec : L représentant la clarté (et non la luminance) de 0 à100. « a » représente une valeur sur un axe vert>Magenta. « b » représente une valeur sur un axe bleu>jaune. « a » et « b » peuvent prendre les valeurs -128 à +127 avec 256 niveaux ( si l’image est en 8 bits/c) ou de -32768 à 32767, soit 65536 niveaux (image en 16 bits/c).

Quand on dit qu’une couleur correspond à un code L*a*b précis cela correspond à une couleur unique de longueur d’onde précise dans le monde entier quelque soit l’appareil qui l’a produite.

Photoshop permet de coder une couleur dans ce mode. Il le nomme Lab en simplifiant l’écriture (en enlevant les *, et en parlant à tord de luminance pour la composante L). Dans la suite on parlera de couleur Lab.

Ce qu’il est fondamental de savoir c’est que c’est l’espace Lab qui est utilisé en interne dans Photoshop pour travailler les couleurs. Et les couleurs sont codées sur 15 bits par couche en virgule flottante (les informaticiens comprendront), les calculs se feront donc sur les couleurs Lab sur 15 bits. Cela même si vous travaillez en sRGB 8 bits. Personne ne s’en préoccupe, c’est bien normal, cela se passe en interne, mais cela justifie, à mon avis, le fait de travailler en 16 bits par couche.

Espace de couleurs génériques.

Les espaces de couleurs sont des espaces génériques créés par les chercheurs pour qu’ils ne dépendent pas d’un appareil. On dit qu’ils sont indépendants des périphériques ; ils indiquent uniquement un ensemble de couleurs (un peu plus en fait ; voir l’encadré plus bas).

Les plus connus dans le monde RGB sont sRGB, Adobe RGB 1998, ProPhoto RGB.

On les utilise en particulier comme espace de travail dans les logiciels.

Le plus grand espace de couleurs est l’espace Lab comme on l’a vu.

Les principaux espaces de couleurs dans le mode RVB :

espace_de_travail

sRGB est le standard du web. C’est le plus petit espace de couleurs commun à un maximum de périphériques d’affichage, ordinateurs, tablettes… Tous les écrans, imprimantes, moniteurs savent le reproduire. Si on travaille pour le web uniquement, cet espace peut suffire.

En 1998, l’IEC (International Electrotechnical Commission) normalise officiellement le sRGB sous le nom de. sRGB IEC61966-2.1 (indépendamment des normes vidéo antérieurement en vigueur). Donc sRGB et sRGB IEC61966-2.1c’est pareil.

Adobe RGB 1998 correspond au gamut (l’ensemble des couleurs affichées) d’un moniteur haut de gamme et à certaines imprimantes jet d’encre. C’est un espace un peu plus large que le sRGB, il y a plus de verts saturés. Il a été conçu par Adobe en 1998 pour les graphistes dont le travail sur écran se destine à l’impression.

ProPhoto RGB est encore plus large. C’est le seul à pouvoir contenir un espace de couleur large comme celui des imprimantes haut de gamme ou toutes les couleurs d’un appareil photo récent. C’est l’espace de travail utilisé exclusivement par Lightroom et Camera Raw (enfin, en vrai c’est RIMM RGB, très proche de Prophoto).

Quel espace de couleur choisir pour travailler dans Photoshop et Lightroom?

Rappel.

Ne pas oublier que les Raws n’ont pas de profil interne. Dans Lightroom C, en interne l’espace de travail est proche de Prophoto. C’est quand on exporte depuis Lightroom (ou qu’on passe dans Photoshop) qu’on choisit un profil pour la photo.

Si vous prenez des photos en JPG avec votre appareil, vous pouvez choisir sRGB ou Adobe RGB dans les paramètres. En ainsi la photo aura un profil interne.

Plus il y a de post traitement plus il faut utiliser un espace large et en 16 bits (arrondi dans les calculs, problème des dégradés..).

Pour un portrait, la couleur de peau et la texture des cheveux vont se contenter d’une toute petite portion de l’espace sRGB, essentiellement dans la partie centrale et avec des couleurs peu saturées. On peut retoucher et imprimer cette photo sans aucune perte en utilisant le sRGB. Mais…

Pour une image de paysage avec de la mer et du ciel, ou des verts très saturés, il peut y avoir des bleus ou des verts  captés par l’appareil photo qui ne sont pas compris dans sRGB.  Imprimer cette photo avec le sRGB fera perdre quelques nuances de cyan et bleu. L’Adobe RGB est préférable. Mais…

Si vous prenez des photos très saturées ou que vous saturez beaucoup en post traitement et que vous imprimez sur une imprimante jet d’encre performante vous utiliserez ProphotoRGB.

Enfin…

Pour conserver le large espace de couleur produit par les appareils de photo modernes, pour permettre des traitements performant (sur le plan des calculs), pour coller aux imprimantes modernes PROPHOTO RGB, ce large espace est parfait ; c’est d’ailleurs l’espace de travail du module de développement de Lightroom (du moins c’est un espace de couleurs très proche). 

Il n’est pas question de choisir son espace en fonction de ce qu’on photographie. D’autres facteurs interviennent dans le choix de l’espace de travail.

Bien comprendre qu’il y a les espaces de travail dans les logiciels et que là il est préférable d’avoir des espaces le plus large possible si vous avez des images très saturées. Pour les photos exportée, par contre, choisir en fonction de la destination : sRGB pour tout ce qui est Web, Adobe RGB pour l’impression, Prophoto pour les couleurs très saturées.

Devant la complexité du paramétrage des logiciels et les erreurs que cela entraine (différence de couleurs entre les logiciels s’il y a des erreurs de paramétrage), certains préconisent d’utiliser uniquement le sRGB pour toute la chaine graphique. C’est dans un soucis de simplification et effectivement il y a moins de problèmes techniques car le paramétrage est plus simple ; pas de problèmes sur le Web non plus. Il faut se rendre compte qu’on choisit le plus petit espace en choisissant sRGB et que dans certaines conditions on « perdra » certaines couleurs saturées ; mais souvent on n’a pas de couleurs saturées. Le choix dépend de votre niveau d’exigence et du type de photo.

Quand une photo est ouverte dans Photoshop, on peut travailler dans le même espace que celui du profil  de la photo (sRGB, Adobe RGB) ; ou imposer un espace générique comme Prophoto RGB.

Comme vous êtes photographe, voici un conseil :

  • Si vous shootez en Jpg : Paramétrer l’espace Adobe RGB sur votre appareil ; utilisez ce même espace pour travailler.
  • Si vous shootez en Raw et utilisez Lightroom travaillez en Prophoto RGB.
  • Si vous voulez ne pas vous embêter et faire très simple, utilisez sRGB. 
  • Vous exporterez pour le web en sRGB ; pour imprimer, cela dépend (sRGB, Tiff, pdf).

Moi, j’utilise Lightroom et Photoshop, je travaille en Raw, j’utilise Prophoto (en 16 bits) sur mes copies de travail qui sont conservées. J’exporte à la demande : en sRGB pour le web, en Adobe pour l’imprimeur qui l’accepte.

L’idée est de conserver tout son flux de travail dans l’espace de travail le plus large possible (et en 16 bits) surtout si je post traite et d’exporter à la demande dans un espace plus petit si nécessaire.

Remarquez que je n’ai pas parlé de l’écran.

 

On reviendra sur tout cela en détail.

Autre remarque :

On voit ci-dessous, sur une représentation (simplifiée) des couleurs Lab (le « fer à cheval » coloré représentant toutes les couleurs visibles), les triangles correspondant aux trois espaces de couleur courants.

gamut_apn

On remarque qu’aux trois sommets des triangles se trouvent les 3 couleurs R, G, B.

Dans l’espace Prophoto, il y a des couleurs qui n’existent pas (le triangle Prophoto déborde de l’espace Lab. Ces espaces de couleur non liés aux périphériques sont des créations « mathématiques » qui sont faites pour avoir des propriétés facilitant la compréhension et la manipulation des couleurs mais aucun périphérique n’est capable de reproduire ou de capter toutes les couleurs. Pourquoi utilisez un espace si grand ? Prophoto sert malgré tout car même si certaines couleurs n’existent pas, il peut contenir un ensemble de couleurs produites par un appareil photo moderne alors qu’en Adobe RGB on ne pourrait pas mettre toutes les couleurs enregistrées par l’appareil.

Autres espaces de couleurs.

En RGB.

Il existe d’autres espaces de couleurs RVB plus anciens et plus théorique comme CIE XYZ ou moins utilisés par les photographes comme Color Match RGB…Il y en a une multitude.

On a parlé de l’espace ECI-RGB (et du ECI-RGB_V2) comme espace de travail qui ressemble à Adobe RGB mais est plus adapté à la pré presse européenne (température de couleur 5000°K alors que l’Adobe RGB a une température de couleur 6500K) ; il s’accorde mieux aux espaces CMJN utilisés en Europe (iSO Coated FOGRA 39) par les imprimeurs. ECI-RGB est maintenant dans la liste des espaces proposés par Photoshop mais pas Lightroom. Il semble peu utilisé en pratique chez les photographes (un peu plus par les imprimeurs compte tenu de sa « compatibilité » avec les espaces FOGRA 39 des presses). Je ne l’ai jamais vu utilisé.

On parle maintenant aussi de l’espace DCI-P3 (Image P3 dans Photoshop) qui est presque aussi grand que Adobe RGB mais plus large vers les rouges et un peu moins dans les verts (correspondant au triangle rouge ci-dessous entre sRGB en noir et Adobe RGB en jaune). Il est issu du monde du cinéma et présent sur certains écrans récents (iMac Pro en 2017, iPhone 7 et 8, tablette Microsoft Surface Samsung Galaxy Note 7 et s8 et suivant, ULTRA HD Premium en TV) supportent cet espace (Contraste à 2,6 ; 5900K.). Il est présent et on peut l’utiliser dans PS. Il ne correspond, à mon avis , pas au Gamut des appareils photos et imprimantes actuels ; les photographes l’utilisent peu ; sauf sur Apple ? Les rouges « pètent ».

Il y a aussi Display P3. C’est un profil Apple standard pour utiliser avec des écrans HDR comme l’espace DCI-P3 mais avec un point blanc D65 et un gamma de 2.2 comme sRGB.

dci-p3.JPG

En CMJN.

Pour revenir aux espaces CMJN respectant les contraintes liées à l’impression en pre presse, chez les imprimeurs offset, il y a :

  • SWOP Coated correspondant aux encres américaines de l’imprimerie ,
  • CMJN Coated FOGRA 39 ISO (et sa version 2) au gamut plus large correspondant mieux à l’imprimerie européenne. Sa dernière version : ISO coated v2 300‘ semble très utilisée car le taux d’encrage est de 300% évitant ainsi des problèmes à l’impression.

C’est utile car certains imprimeurs offset demande des fichiers en CMJN (livre, affiche…). Pour ce qui est de la photo et de l’impression Jet d’encre, on reste dans le monde RVB.

Et les téléviseurs ? Ils affichent l’espace rec.601 (SDTV cathodique) ou rec.709 pour les meilleurs (HDTV écran plat) proche du sRGB.   Il existe l’espace DCI-P3 qu’on retrouve dans les écrans récent (proche de l’Adobe RGB).  Noter en passant qu’on peut calibrer un écran TV.

 

Gamut

Le gamut d’un périphérique, c’est l’ensemble des couleurs qu’il est capable de reproduire (pour un écran ou une imprimante) ou de saisir (pour un appareil photo ou un scanner).

Le gamut d’un appareil photo est l’ensemble des couleurs qu’il peut capter ; les appareils récents ont un gamut très large, contenu dans Prophoto RGB mais bien plus large qu’ Adobe RGB (triangle blanc sur le schéma  relatif aux APN). Ce large gamut est pleinement utilisé dans les fichiers Raws alors qu’en Jpg on choisit d’utiliser un espace plus petit (sRGB ou Adobe RGB) et il y a donc « perte » de quelques couleurs.

Le gamut d’un écran c’est l’ensemble des couleurs qu’il est capable d’afficher.

Un écran standard sera capable d’afficher l’espace sRGB.

Gamut_ecran1

Un écran haut de gamme large gamut (wide gamut) affichera l’espace Adobe RGB.

Gamut_ecran2

 

Le gamut d’une imprimante c’est l’ensemble des couleurs que l’imprimante est capable d’imprimer.

Les imprimantes offset pre presse ont un gamut assez petit ; un peu plus petit que sRGB et de forme particulière.

gamut_impr_offset

Les imprimantes jet d’encre moderne ont un gamut débordant largement Adobe RGB ; elles sont donc capable d’imprimer une large gamme de couleurs:

Gamut_imp_jetdencre

On note que si le gamut de l’écran est triangulaire (il y a les 3 couleurs primaires aux sommets), le gamut des imprimantes est de forme différente compte tenu des encres utilisées ; il déborde celui de l’écran. (Photos extraites du livre « La gestion des couleurs de Jean Delmas »).

Espace de couleur de travail dans LIGHTROOM ou Camera Raw :

Lightroom travaille dans un espace de couleurs très large (Melissa RGB) très proche de Prophoto. On ne peut pas changer cela.

Il y a une logique dans le choix de l’espace de couleur de travail  très large dans Lightroom , faite par les ingénieurs d’Adobe : Un fichier Raw issu d’un APN récent (très large gamut) conservera un très large éventail de couleur dans LR car l’espace de travail est très large aussi. On ne peut pas changer cet espace d’ailleurs dans LR.

Il n’y a pas d’espace de couleur dans un Raw alors comment fait LR pour reconnaître les bonnes couleurs ? et bien justement il faut que LR reconnaisse l’appareil. Lr possède un profil colorimétrique pour chaque appareil photo ; il convertit les couleurs de l’appareil dans l’espace Melissa RGB ( proche de Prophoto).

 

 

Suite.

Pour marque-pages : Permaliens.

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